Chaînes
Fidel Martinez et Jorge García racontent la douloureuse odyssée des prisonnières politiques espagnoles au cours des premières années de la dictature franquiste. Pour chacun des onze chapitres du livre, l’action se situe dans l’une des prisons où le régime fasciste a enfermé les opposants politiques à la fin de la guerre civile ou pendant les longs et pénibles transferts d’un institut de peine à l’autre. Le titre original, Cuerda de presas, fait d’ailleurs allusion aux longues files de prisonnières, enchaînées l’une à l’autre pendant ces longs voyages. Le récit est peuplé de juges, médecins, miliciens, policiers, nonnes converties en matons et, au centre, tels des personnages de tragédie grecque, les rouges victimes de toutes sortes d’atrocité et d’humiliation.
À travers un scénario solide, et un dessin fortement teinté d’expressionnisme qui rend de façon admirable l’atmosphère oppressante qui parcourt tout le livre, Martinez et García rendent à l’histoire la mémoire des victimes de Franco qu’on a, peut-être, le plus oubliées. Dans sa préface, le scénariste Felipe Hernandez Cava rappelle le devoir de mémoire qui empêche toute réécriture de l’histoire visant à minimiser ou effacer les faits et souligne le rôle joué par les images, bien plus difficiles à manipuler, dans ce travail de mémoire. Au-delà de proposer un témoignage exemplaire sur l’une des périodes les plus obscures de l’histoire espagnole, Chaînes revêt un intérêt plus universel : dans leur approche, les auteurs mettent essentiellement en exergue la condition humaine des prisonniers, la réalité humaine des détenus et par-dessus tout des femmes, dans un monde où la rage et la douleur sont les seuls sentiments autorisés. De là, émergent violemment, des portraits douloureux qui jettent une lumière crue sur les thèmes ô combien d’actualité liés à la condition carcérale. Les images de Chaînes nous rappellent de façon inquiétante d’autres images, bien plus proches de nous, sorties – celles-là, des pages des quotidiens et des écrans de télévision. Nous rappellent aussi comment l’ordre explicite donné par le général Franco en 1939 de mettre en place une “saine terreur” pour protéger la société des éléments “dangereux” ait été maintes fois mis en pratique, partout, jusqu’à nos jours.
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